F. Gachet,
G. Zumwald
(07-2015)
Pour citer cette notice:
Gachet (F.) & Zumwald (G.), 2015, "L'inversion du sujet clitique", in Encyclopédie grammaticale du français,
en ligne: encyclogram.fr
DOI: https://nakala.fr/10.34847/nkl.c2c07sg8
1. Découpage du domaine.
1.1. Définition
La notion d’« inversion du sujet clitique » dépend naturellement de l’existence d’une catégorie « sujet clitique ». Il convient donc de commencer par présenter et définir celle-ci, avant de pouvoir aborder l’inversion elle-même.
1.1.1. Les sujets clitiques (SCL)
Les sujets clitiques (je, tu, il, elle, on, ça, ce, nous, vous, ils, elles) sont des formes non accentuées, utilisées conjointement au verbe ; elles ne peuvent être séparées du verbe que par le ne de négation ou par d’autres formes conjointes (clitiques compléments) :
(1) On avait envie de lui demander pourquoi il y consacrait tellement de temps. Il n’essaya jamais de les vendre et il n’en fit jamais cadeau à personne ; il ne les accrochait même pas chez lui ; dès qu’il en avait fini un, il le rangeait à plat dans une armoire et il en commençait un autre. [Perec, f]
Les sujets clitiques se distinguent des pronoms disjoints comme moi, toi, lui, eux, etc.
(2) Eux, ils ne savaient pas que j’étais juif. [Lanzmann, f]
Les formes elle, nous et vous ont la particularité de pouvoir être employées comme sujets clitiques et comme pronoms disjoints. Il n’est pas décidé s’il convient de traiter ces cas comme des formes homonymes ou comme des emplois différents d’un même pronom :
(3) Nous, nous voulons savoir. [Perec, f]
La forme ça est dans le même cas. En position de sujet, elle connaît des emplois clitiques ou disjoints.
(4) (a) Ça, c’est dommage ! Ça, ça me fend le cœur !
(b) Des hommes, ça se remplace, on en a tant qu’on en veut. Mais un cheval, ça coûte 5 000 francs. [Sartre, f]
La forme ce est presque exclusivement employée avec le verbe être, éventuellement assorti d’auxiliaires modaux (devoir, pouvoir) ou temporels (aller), et dans la formule ce (me) semble.
(5) (a) Et puis ce peut être son jeune boy, pour des raisons personnelles. [A. Jenni, f]
(b) Bientôt la neige va fondre, bientôt ce va être le printemps. [Montherlant, f]
(c) Très peu de gens, ce me semble, savent ce qu’est la faim. [Salvayre, f]
(d) Ce n’est pas, ce semble, un peu de bruit autour des trains de permissionnaires qui peut faire douter du moral de l’armée. [Guilloux, f]
Au contraire du clitique ça, ce n’est pas employé avec d’autres verbes, à de très rares exceptions près (par exemple avec un auxiliaire mis au service d’un verbe autre que être) :
(6) De Cioran, et ce pourrait dorénavant me servir de devise : S’il me fallait renoncer à mon dilettantisme, c’est dans le hurlement que je me spécialiserais. [Lagarce, f]
Le statut catégoriel des sujets clitiques
Le statut catégoriel des sujets clitiques est controversé. Deux approches s’opposent.
L’analyse pronominale
Une première approche traite les SCL comme des pronoms ayant un statut d’argument, au même titre que les pronoms toniques de la série {moi, toi, lui...}. Cette position est représentée notamment dans des travaux d’obédience chomskyenne : Couquaux (1986), Rizzi (1986), Laenzlinger (2003), De Cat (2007). Laenzlinger explique par exemple que la position actuellement dominante en grammaire générative considère les SCL comme des clitiques phonologiques. Dans cette perspective, les pronoms sujets occupent une place d’argument en structure profonde comme en structure de surface ; c’est seulement au niveau phonologique qu’ils deviennent clitiques, se plaçant juste avant ou juste après le verbe.
Divers arguments sont avancés pour défendre cette position contre celle qui traite les sujets clitiques comme des affixes.
(i) L’un est d’ordre théorique : selon une thèse qui a cours en grammaire générative, les règles de déplacement ne s’appliquent qu’à des constituants de niveau syntaxique ; dans cette optique, une analyse affixale des clitiques sujets (qui en fait des unités morphologiques) est incompatible avec leur inversion.
Les autres arguments sont de nature empirique :
(ii) Les sujets clitiques peuvent porter sur plusieurs verbes coordonnés (Rizzi, 1986 ; DeCat, 2007), ce qui interdit d’y voir des affixes morphologiques (= de mot) :
(7) je vous darde et brûle et envoûte jusqu’aux délices du pageot. [Boudard, f]
(iii) Autre argument : il existe (dans un emploi toutefois assez rare et bien particulier) des SCL séparés du verbe, par une apposition, une incise ou autre :
(8) Il, le traditaire, déplorait d’avoir à subir le joug d’un gamin fort ignare d’ailleurs pour ce qui était de la langue étrangère [Queneau, f]
À vrai dire, de tels emplois montrent qu’un SCL peut à l’occasion perdre son statut prosodique de clitique, mais ils n’impliquent pas pour autant qu’il ait le statut syntaxique d’un pronom argumental.
(iv) On rencontre occasionnellement des sujets clitiques coordonnés, ce qui permet de penser qu’ils occupent une position argumentale (du moins si on tient les affixes pour non coordonnables) :
(9) Après un premier rendez-vous qui marche, dans une relation, il et elle sont heureux ensemble, ils s’entraident, ont des projets d’avenir. [web : site de rencontres]
Ces exemples, qui remettent surtout en cause le statut phonologiquement clitique de ces éléments, sont généralement présentés comme des raisons d’y voir des pronoms arguments.
L’analyse affixale
À l’inverse, les partisans de l’approche affixale soutiennent que les pronoms clitiques ne peuvent occuper une position d’argument. Cette approche, actuellement bien répandue, consiste à traiter les sujets clitiques comme des éléments affixés au verbe, fonctionnant aussi bien comme préfixes que comme suffixes (dans l’inversion). Cette position était déjà défendue par Gougenheim (1938: 153) selon qui « les pronoms personnels conjoints entrent dans la composition du groupe verbal, alors que les pronoms personnels disjoints constituent des groupes nominaux ». Parmi les tenants du statut affixal des clitiques, on peut mentionner également Jaeggli (1982), Roberge (1990), Zribi-Hertz (1994), Auger (1995), Creissels (1995), Miller & Monachesi (2003), Berrendonner (2008), Culbertson (2010), Groupe de Fribourg (2021), etc. Dans cette approche, le terme pronom clitique est souvent abandonné au profit d’autres appellations telles que indice pronominal (Creissels 1995) ou agreement marker (Lambrecht 1981, Auger 1995).
Les cas où les clitiques sujets apparaissent conjointement à des sujets nominaux non disloqués fournissent le principal argument en faveur de leur statut affixal. Il s’agit des redoublements du sujet (fréquents dans l’oral spontané) et des inversions complexes :
(10) je me rends compte que certains d’entre eux - ont chacun un peu leurs petites fonctions en fonction des - euh en fonction des des petites merdes que la vie elle vous met comme ça sous les pieds euh [oral, OFROM]
(11) La bière peut-elle être considérée comme une boisson alcoolique ? [f]
Dans ces deux cas, la position d’argument sujet étant saturée, le clitique s’interprète comme faisant partie du syntagme verbal. Plus précisément, on peut considérer ces clitiques comme des marques d’accord de l’argument sur le verbe. Les occurrences de redoublements du type de (10) sont souvent ignorées par les défenseurs d’un statut pronominal des SCL (cf. Rizzi 1986) ou écartées comme déviantes (Laenzlinger 2003 ; De Cat 2007). En revanche, l’existence des inversions complexes n’est généralement pas discutée : pour en rendre compte tout en soutenant une analyse pronominale des SCL, il faut recourir à des solutions complexes, de portée peu générale (voir par ex. Kayne 1983 qui est contraint d’analyser les SCL participant à une inversion complexe différemment des SCL apparaissant dans d’autres configurations).
L’analyse affixale a l’avantage de pouvoir rendre compte d’une manière simple et généralisée de toutes les cooccurrences de SN sujets avec un SCL, qu’il s’agisse de « redoublements » ou d’inversions complexes. Elle peut aussi être compatible avec les cas de non répétition du SCL après coordination (7) et même avec les occurrences de SCL suivis d’appositions (8) ou coordonnés (9), si l’on adopte une vision élargie et non strictement morphologique de la notion d’affixe : on peut alors considérer les SCL comme des « affixes de syntagme », dont les propriétés diffèrent quelque peu de celles, plus connues, des affixes de lexème tels que les désinences verbales ou les suffixes de genre et nombre (voir Miller 1992, et Groupe de Fribourg, 2021. La notion d’affixe de syntagme correspond aussi, pour l’essentiel, à celle de bound word chez Zwicky 1977).
1.1.2. L’inversion du sujet clitique
L’inversion du sujet clitique (inv-scl) consiste à placer le sujet clitique immédiatement à la suite du verbe fini. À l’écrit, le sujet clitique est relié au verbe par un trait d’union. Lorsque le verbe se termine graphiquement par une voyelle, un t épenthétique vient se placer devant les clitiques à voyelle initiale (il(s), elle(s), on), par analogie avec la désinence t latente de nombreuses formes verbales à la troisième personne, selon une analyse déjà défendue par Gaston Paris ; il en résulte une généralisation des formes en t-, qui simplifie le paradigme des pronoms inversés au singulier, en éliminant les formes [i(l)], [ɛl] et [õ] au profit de [ti(l)], [tɛl] et [tõ], le t ayant cessé d’être une consonne de liaison, pour devenir la consonne initiale d’une forme pronominale réservée à l’inversion (Tseng 2008) ; v. entre autres (17-18).
Remarque. Lorsqu’un SN sujet est présent devant l’inv-scl simple, on parle d’inversion complexe, v. supra (11) et infra (22b) et (24), et §§1.3.1 et 1.3.3.
Il faut noter que les sujets clitiques n’ont pas tous le même comportement face à l’inversion. Contrairement à tous les autres sujets clitiques, la forme ça ne peut pas être inversée. Le clitique ce peut y suppléer pour les inversions avec le verbe être, éventuellement modalisé (par des auxiliaires comme pouvoir et devoir) :
(12) Où est-ce. Qui est-ce. Aucune idée. [Doubrovsky]
*Où est-ça. *Qui est-ça. Aucune idée.
(13) Qui d’autre pourrait-ce être ? [Larbaud, f]
*Qui d’autre pourrait-ça être ?
(14) Qui peut-ce être ? [Molière, 1669, f]
*Qui peut-ça être ?
En français actuel, le clitique sujet ce n’est pas utilisé après d’autres verbes, sauf dans certaines formulations plaisantes :
(15) Comment cela se peut-il ? Comment se fait-ce ? [w]
Le clitique ce partage avec le clitique sujet de première personne je des propriétés phonologiques qui les distinguent des autres clitiques sujets : en raison de leur voyelle caduque /ǝ/, ils ne sont pas accentués lorsqu’ils sont postposés au verbe. L’accent se reporte alors sur la dernière syllabe du verbe. En conséquence, les formes inversées obtenues sont morpho-phonologiquement assez différentes des autres inversions de clitique :
(16) dois-je [ʹdwaʓ] ; est-ce [ʹɛs] vs
dois-tu [dwaʹty] ; doit-il [dwaʹtil] ; est-il [ɛʹtil]
L’inversion du je est surtout pratiquée avec des verbes très courants, souvent des auxiliaires, comme être, avoir, devoir, savoir, aller, pouvoir, etc. (à noter qu’avec pouvoir au présent, elle sélectionne normalement la forme puis, au lieu de peux). Peu pratiquée avec les autres verbes, elle paraît même impraticable avec bon nombre d’entre eux, tels vendre [vãʓ], courir [kuRʓ], mentir [mãʓ], rompre [Rõʓ], pour des raisons d’homophonie ; on peut noter en passant que ces formes étaient déjà problématiques au XVIIe siècle : Foulet (1921 : 297) mentionne que, face à une formulation comme mens-je, « Thomas Corneille et l’Académie sont d’accord que le plus sûr est de prendre "un autre tour", comme "est-ce que je mens ?" ». Lorsqu’une forme verbale de première personne se termine par un /ǝ/ (je trouve, j’eusse), celui-ci est normalement remplacé en français soutenu par un /e/ fermé, qui peut alors porter l’accent final (trouvé-je [tRuʹveʓ] ou eussé-je [yʹseʓ]). Les caractéristiques assez particulières associées à l’inversion du je expliquent probablement une certaine tendance à l’éviter (du moins en situation détendue).
1.2. Délimitation
L’inversion du sujet clitique ne pose pas en soi de problèmes de délimitation, la définition ci-dessus reposant sur des critères formels aisément vérifiables. On signalera seulement que les formules lexicalisées comme est-ce que, qu’est-ce que, etc. ne sont généralement pas considérées comme faisant partie du domaine. En revanche, la délimitation des contextes, très variés, dans lesquels peut apparaître l’inversion du sujet clitique est plus difficile. En voici une liste (sans garantie d’exhaustivité) :
Propositions interrogatives
Totales, partielles, formes interrogatives (totales et partielles) à valeur exclamative :
(17) Parle-t-il comme il doit à l’inconnu qui l’attend ? [Green, f]
(18) Où va-t-il ?
(19) (a) Est-il bête, ce petit, dit la duchesse charmée. [Queneau, f]
(b) Bon sang a-t-il fallu qu’on l’aime cette équipe de France pour la supporter un siècle durant malgré tant d’inconstance ! [p, L’équipe magazine]
(c) Un comble : combien de fois me suis-je entendu dire « Quelle chance tu as de pouvoir écrire si facilement ! » [Pontalis, f]
Incises de discours rapporté
(20) l’instruction écrivent-ils + semble + s’orienter désormais vers de nouvelles pistes [radio, Il faut signaler que les séquences introductrices de discours
rapporté antéposées (Ils écrivent : « L’instruction semble
s’orienter désormais vers de nouvelles pistes ») sont incompatibles
avec l’inv-scl (*Écrivent-ils : « L’instruction semble s’orienter
désormais vers de nouvelles pistes »). Cela revient à dire que, pour
qu’un verbe « signalisateur » de discours rapporté puisse être
affecté de l’inv-scl, il est nécessaire qu’un fragment (au moins) du discours
rapporté le précède (v. de Cornulier 2004). (21) Il n’en fut pas de même, semble-t-il, en Italie. [Goldschmidt, f] La liste est malaisée – voire impossible – à établir : on
peut observer toutes les gradations possibles entre des adverbes qui
déclenchent quasi automatiquement l’inversion et d’autres qui ne la provoquent
qu’exceptionnellement). Voici seulement un aperçu des principaux adverbes
déclencheurs. - Adverbes modaux : peut-être, probablement, sans
doute, etc. (22) (a) Peut-être bien s’amusait-il vraiment de l’aventure ? [Martin du Gard] - Autres adverbes co-prédicateurs (23) Heureusement a-t-on pu la remplacer. [Loti] - Adverbes connecteurs : aussi, du moins, au moins,
tout au plus, ainsi, de même, etc. (24) Ainsi Fred usait-il lui-même de l’alphabet télégraphique du Larousse. [Vialatte] - Adverbes de manière (ainsi, difficilement,
inutilement, à peine, etc.) (25) (a) Difficilement trouvera-t-on des gens qui veuillent. [Littré] (b) Et ainsi ai-je fait hier soir et ainsi ai-je passé une nuit de sept heures sans interruption
et ainsi me suis-je levé sans effort et ainsi ai-je un regard méprisant
pour ce ciel qui ne sait de quelle défroque se vêtir. [blog] - Certains adverbes temporels (souvent, toujours,
jamais, rarement, à peine, etc.) (26) À peine avait-il ouvert un livre qu’il le refermait par ennui. À peine une femme
s’attachait-elle à lui que la lassitude le gagnait : ce n’était jamais ça. [Pontalis, f] (27) Ensuite, il a un caractère généreux, toujours a-t-il bon cœur (sauf avec ses profs)
et il est prêt à aider qui a besoin de lui (sauf, une fois de plus, ses profs). […] Très espiègle,
il aime blaguer et lancer des vannes. Toujours a-t-il le sourire et le mot pour faire rire. [web] À signaler dans ce domaine un fait particulier, plus
rare : l’inv-scl placée devant l’adverbe déclencheur. (28) (a) faut-il encore que je le pense [oral] - Constructions à adjectif attribut initial. Ces constructions (voir
Notice 'Attribut'), plutôt rares et fleurant l’archaïsme,
semblent favorisées par des lexèmes tels que béni, maudit, heureux, bienheureux,
bienvenu, mais on peut également les rencontrer avec d’autres
adjectifs : (29) (a) Heureux est-il, s’il peut travailler ! [Flaubert] (b) « Maudit, maudit sois-tu, toi et toute ta... » [Benoziglio] (c) je pris sa main. Froide était-elle, et sèche, et dure. [Montherlant] (d) Innombrables sommes-nous qui avons connu cette division au fond de nous-mêmes. [Guéhenno] - Constructions hypothétiques binaires (hypothético-temporelles,
hypothético-concessives, voir
Notice ). (30) (a) L’invite-t-on, il refuse aussitôt. (b) Presse-t-il le pas pour creuser les distances et parvient-il à les semer,
ils ont tôt fait de le rattraper. [Des Forêts, f] (31) (a) Les poètes, hommes de cœur et de cadence, sentent mieux les combattants que les hommes d’idées,
fussent-ils classés « à gauche » [Debray, f] (b) Aurais-je en vérité des droits, je te les quitte ; [Moréas] (c) Et serais-je de l’autre Valence, celle d’Espagne, ou américain, il ne s’en agirait pas moins d’un héritage commun. [Mauriac, f] - Constructions en ‘si+Adj attribut’ (à valeur
concessive ou causale) (32) (a) Elle n’acceptait aucune laisse, si longue fût-elle. [Vautel (b) En écoutant un prélude, je me disais que derrière toute œuvre humaine, si grande soit-elle,
il y a un effort que l’art dissimule à peine. (c) Bien des fois, le cercle fut si étroit, si étroit... mais si étroit était-il,
il était immense, puisqu’il ne contenait que de la vérité! [Leroux, f] (33) Bien peu de gens de lettres qui soient en position de bien voir, d’aimer vraiment la famille,
si fausse est-elle le plus souvent, si artificielle, parfois un supplice à deux. [Michelet, f] La difficulté principale est certainement la variété et la
diversité des contextes où apparaît l’inv-scl. Ont-ils tous été répertoriés ?
En marge des contextes listés en 1.2, où l’usage de l’inv-scl est bien établi,
on trouve des apparitions sporadiques d’inv-scl dans divers autres contextes
rarement voire jamais répertoriés. Ainsi, on voit en (34) que les adverbes
frontaux ne sont pas les seuls éléments susceptibles de déclencher une inv-scl.
Divers autres constituants de type circonstanciel peuvent le faire lorsqu’ils
se trouvent à l’initiale d’une proposition : (34) (a) Un instant ai-je cru que c’était pour les oreilles, heureusement y avait-il l’annotation [web] (b) Quelque chose dans le tréfonds de sa nature a besoin d’être acculé au désastre : à ce prix seulement peut-il se devenir à lui-même ce spectacle incomparable, souverain, qu’il y eut toujours pour lui dans le mot Untergang [Du Bos, f]
(c) Par là, me donnait-on à penser que mes pareils et moi nous formions sur la terre un objet de scandale, une malpropreté. [Guilloux, f] Il peut arriver aussi que l’inv-scl ait lieu dans une
proposition relative (peut-être parce que le pronom relatif y occupe aussi une
position frontale marquée) : (35) (a) Ayant vécu et travaillé au Maroc, il veille à ce que son travail, sa pensée, doive atteindre une destinée. D’où « le grand investissement du langage », dont parle-t-il, partant de deux principes : 1- obscurcir l’obscurité et 2- le désir de transparence. [web] (b) Le jour J, je dois avouer que je stressais un peu mais la bonne ambiance qu’il y avait entre nous m’a fait vite oublier ce stress. Adeline et moi (Adeline: la fille avec qui ai-je fait le jeu de rôle) sommes passées deux fois. [web] Enfin, diverses propositions composées d’un élément ayant pour
sens une variable indéterminée et d’un verbe au subjonctif (généralement être)
sont susceptibles de faire apparaître une inv-scl : (36) (a) En ton nom sacré qui sois-tu, Saint-Patron des Falaises, STP abrège mes souffrances. Ici je ne me sens plus très à l’aise. [web] (b) Grâce au voyage, je finirai bien par comprendre comment transformer chaque instant de vie, où soit-il et quand soit-il, en instant de présence. [web] (c) Chaque montant versé sur notre compte postal 85-278410-5, soit-il grand ou petit, nous aidera. [web] Les deux exemples suivants, qui semblent impliquer une
réanalyse de peu importe en pronom indéfini (commutable avec n’importe
lequel), représentent un fait rare et hors grammaire standard : (37) (a) Ces passions pour l’écriture et le sport sont demeurées ancrées. Même si le ballon-chasseur est chose du passé, le soccer et une panoplie d’autres passe-temps occupent ses semaines. Pour elle, il est indispensable que son métier intègre ses deux flammes, peu importe soit-il. Le journalisme est la solution parfaite. [web] (b) Non, je ne crois pas un seul instant à ce genre de théorie. À chaque incident (peu importe soit-il), il y a toujours des gens qui n’acceptent jamais la simple vérité et qui crient au complot [web] Tous ces exemples s’écartent, à des degrés divers, de la norme
grammaticale standard. Ils sont produits probablement par analogie avec
d’autres constructions à constituant déclencheur initial, et peuvent être
ressentis comme hypercorrects. Ces extensions analogiques n’en révèlent pas
moins que l’inversion de sujet clitique est actuellement un procédé productif,
et non la survivance moribonde d’un état ancien de la langue. Il n’est pas
impossible que d’autres contextes favorisant l’inv-scl manquent à cet
inventaire, qui n’est sans doute pas définitif. Un autre problème réside dans les diverses solutions possibles
en cas de sujet nominal : parmi les contextes favorisant l’inv-scl,
certains n’admettent que des inversions complexes, d’autres des inversions
nominales, et d’autres encore permettent les deux. Les contextes qui recourent uniquement à l’inversion nominale
sont les incises de DR, (38) « Il devrait prendre le relais début 2009 », précise Dominique Ruffieux. [presse, 17.11.06] les constructions à adjectif attribut initial (dans un style
poétique et/ou à connotation biblique) (39) (a) Heureuse soit la femme qui près d’elle a un appui aussi fidèle. [Tzara, 1947, f] (b) Vaste est la palette, innombrables sont les couleurs et il n’est pas meilleure façon de servir l’éternel que d’ajouter à ces teintes de l’arc-en-ciel le peu d’espoir, le peu d’âme que nous possédons encore nous-mêmes ! [Lanzmann] et les constructions en ‘si+Adj attribut’, qu’elles soient à
valeur concessive (40) Car ce qui est dur dans une évasion, si stricte soit la surveillance, ce n’est pas de fausser la politesse à ses gardiens, c’est de traverser un pays hostile dont on ignore la langue, les usages et les mœurs, et où l’on risque de se trahir à chaque pas. [Ambrière, f] ou à valeur causale (structures consécutives renversées) : (41) Ce mépris (peut-être était-ce de la lassitude) soudain diminua le prestige des professeurs de Sorbonne, si grande était ma fatuité. [Goldschmidt, f] Les contextes qui recourent uniquement à l’inversion complexe
sont les interrogatives totales (42) Monsieur le comte parle-t-il sérieusement ? [Dumas] et les constructions hypothétiques binaires (43) (a) Le prince jouait-il de la flûte, le père cassait la flûte [Voltaire
(b) La route eût-elle été plus sèche, l’accident ne se serait pas produit. (c) Le voyez-vous transcrire des épîtres de mousquetaires, ceux-ci revinssent-ils de Rocroy ou de Denain ? [Proust, f] Enfin, les interrogatives partielles ont généralement les deux
possibilités, inversion nominale et inversion complexe, mais avec certaines
restrictions en fonction du mot interrogatif et du « poids » des
divers constituants en présence : (44) Où /Comment Paul va-t-il ?
Où/ Comment va Paul ? (45) Pourquoi Paul boit-il ?
?Pourquoi boit Paul ? (46) Que boit Paul ?
*Que Paul boit-il ? Reste l’inversion déclenchée par les adverbes. En principe,
l’inversion complexe est possible après tous les adverbes déclencheurs, mais
certains peuvent en outre être suivis de l’inversion nominale. (47) (a) Peut-être mon père n’a-t-il pas su ce qu’il faisait. [Salvayre, f] (b) À peine une femme s’attachait-elle à lui que la lassitude le gagnait : ce n’était jamais ça. [Pontalis, f] (c) Je ne sais s’il a existé dans le cours des siècles une génération plus malheureuse que la nôtre : peste et guerre civile rien ne nous est épargné, à peine se refermaient les sépultures que le choléra avait ouvertes, qu’il a fallu recommencer pour les morts du 6 juin ! [Sand, f] (d) Ainsi Fred usait-il lui-même de l’alphabet télégraphique du Larousse. [Vialatte] (e) Ainsi en ont décidé les dogmes [Le Figaro (f) De même sont traités ses dessins au fusain [Le Figaro Compte tenu de la variété des contextes d’inv-scl et des différentes
possibilités en cas de sujet nominal, il faut se demander si les valeurs,
rendements et causes de l’inv-scl sont les mêmes dans tous les contextes. Le
phénomène est-il homogène, et est-il même légitime de traiter l’inv-scl comme
un seul phénomène ? Il faut aussi prendre en considération le fait que
dans certains contextes l’inv-scl peut commuter avec que (Peut-être
viendra-t-il et Peut-être qu’il viendra ; Est-il bête !
et Qu’il est bête ! ; Si grand soit-il, P et Si
grand qu’il soit, P, etc.) L’articulation entre l’inversion du sujet clitique et
l’inversion complexe est également problématique : la question est de
savoir s’il faut les considérer comme deux variantes d’inv-scl, ou comme deux
phénomènes distincts, leurs contextes d’apparition ne coïncidant pas. En effet,
si l’inversion simple du clitique est possible dans tous les contextes
d’inversion complexe, l’inverse n’est pas vrai : on peut noter par exemple
que dans les incises de discours rapporté (l’un des contextes emblématiques de
l’inv-scl), l’inversion complexe n’est pas possible (*« C’est
vrai », le roi lui dit-il) ; elle n’est pas pratiquée non plus
dans les structures à adjectif initial : à partir de l’exemple (39b) supra,
on peut sans problème former heureuse soit-elle, mais très difficilement
*heureuse cette femme soit-elle. De fait, on peut entendre inv-scl sous
deux extensions : dans un sens étroit (inv-scl simple), elle peut être
opposée à l’inversion complexe, et dans un sens plus large, elle englobe
l’inversion complexe (et s’oppose à l’inversion nominale). Une difficulté théorique est la question du statut grammatical
du clitique déjà évoquée au §1.1.1 : s’agit-il d’une forme pronominale
séparée ou d’un indice verbal ? Le choix de l’une ou de l’autre analyse
aura forcément une incidence sur la conception de l’inv-scl. Une autre difficulté est d’ordre bibliographique : de
nombreuses études, notamment les plus anciennes, traitent globalement de
l’inversion du sujet, sans distinguer l’inv-scl de l’inversion nominale. Kayne
(1972) est le premier à distinguer clairement les deux types d’inversion. Les principales études consacrées à l’inversion du sujet
clitique ressortissent à deux approches. Premièrement, l’inv-scl a été beaucoup étudiée dans le cadre de
recherches socio-linguistiques consacrées aux interrogatives (Behnstedt 1973,
Coveney 2002, Elsig 2009 etc.). En conséquence, c’est la fonction modale de
l’inversion qui a été surtout mise en lumière (v. § 3.2.1), tandis que les
autres emplois de l’inversion sont beaucoup moins bien connus. Le rendement
socio-linguistique de l’inv-scl (marque de prestige) a été souvent souligné,
éclipsant peut-être d’autres valeurs. À partir des travaux de Kayne dans les années 1970, l’inv-scl a
souvent été traitée dans un cadre théorique générativiste. Partant de l’idée
que les SCL sont des pronoms occupant une position argumentale en structure
profonde, les générativistes se sont concentrés principalement sur la question
de savoir comment expliquer la position conjointe des SCL en structure de
surface (question d’autant plus problématique dans le cas des inversions
complexes, où deux unités distinctes, sujet SN et SCL, se disputent une même
fonction argumentale). De nombreux chercheurs (notamment Kayne 1972 et 1983,
Langacker 1972, Couquaux 1986, Rizzi & Roberts 1989, Jones 1999) se sont donc
penchés sur les différentes transformations aptes à engendrer les constructions
inversées tout en respectant les principaux postulats de la théorie
générativiste (dans ses différentes versions successives). Ces approches ont
favorisé une appréhension essentiellement topographique des inversions de SCL,
le problème essentiel étant de générer les séquences attestées en français
standard, plutôt que de rendre compte des fonctions oppositives que l’inv-scl
remplit dans la syntaxe des propositions. Comme le terme d’inversion fait implicitement référence
à un ordre canonique sujet-verbe, certains auteurs préfèrent l’appellation de postposition
du sujet, qui évite une prise de position théorique (entre autres
Le Querler 1994, Guimier 1997). Voir
Notice . La notion de clitique est elle-même problématique,
ballottée qu’elle est entre des définitions syntaxiques et prosodiques. D’un
côté, les clitiques sont couramment définis comme des éléments au statut
catégoriel intermédiaire entre les mots indépendants et les affixes (v. par
exemple Zwicky 1977 ou Miller & Monachesi 2003 : « leur
comportement est en apparence intermédiaire entre celui des mots indépendants
et celui des affixes habituels »). D’un autre côté, ils peuvent être
caractérisés par des propriétés phonétiques. Ainsi, Riegel & al.
(2009) les définissent comme « certains mots qui ne peuvent en aucun cas
recevoir un accent parce qu’ils s’appuient sur un autre mot pour
l’accentuation, faisant ainsi corps avec le mot suivant ». Lacheret (2003)
voit dans la coexistence de ces deux types de définitions le danger d’une
certaine circularité : « d’un côté les syntacticiens s’appuient sur
des critères d’accentuabilité pour définir le clitique, de l’autre les
phonéticiens utilisent les notions proposées dans les grammaires pour prédire
la place de l’accent. » Il faut souligner encore que la définition qui
s’appuie sur la non-accentuabilité des clitiques n’est pas sans problèmes.
Di Cristo (2013), après avoir rappelé que les clitiques s’opposent aux
noms propres, substantifs, adjectifs, etc. par le fait qu’ils ne sont pas
accentogènes, signale une difficulté : « cette affirmation doit être
révisée lorsqu’on étudie la prosodie du langage en usage. » Même sans se
demander quel crédit on pourrait accorder à une affirmation concernant le
langage « hors usage », il faut relever qu’en effet les clitiques
peuvent occasionnellement porter l’accent, dans au moins deux types de cas.
D’une part, comme n’importe quel autre morphème, un clitique peut recevoir un accent
focalisateur, à fonction expressive (Il faut qu’il réussisse à ME convaincre ;
L1 : Je vais payer. L2 : Non, JE vais payer).
D’autre part, il peut aussi être porteur d’un accent primaire : cette
possibilité tient au fait que la prosodie du français s’organise en groupes
accentuels portant l’accent sur leur dernière syllabe. Si les morphèmes
proclitiques ne sont pas concernés, les enclitiques au contraire peuvent
parfaitement se trouver en fin de groupe et à ce titre recevoir l’accent (aide-NOUS,
prends-LE, viens-TU), au même titre que n’importe quel suffixe, flexif ou
dérivationnel (Ils se développAIENT ; le sous-développeMENT). Seuls
les clitiques sujets je et ce ne portent pas l’accent en fin de
groupe : leur voyelle /ǝ/ s’élide et l’accent est alors placé sur la
dernière syllabe du verbe (qui SUIS-je, que feRAIS-je, que seRA-ce ;
v. aussi §1.1.2). Coveney, A., (2002), Variability in Spoken French:
interrogation and negation, Bristol : Intellect Books. Bonne synthèse sur les inversions en contexte interrogatif.
L’inv-scl est envisagée comme une « variante » parmi d’autres servant
à former des questions, et ses spécificités syntaxico-sémantiques sont mises en
évidence par rapport aux constructions interrogatives concurrentes. L’étude
propose en outre une synthèse des diverses études quantitatives portant sur
l’usage des variantes de l’interrogation. Jonare, B. (1976), L’inversion dans la principale
non-interrogative en français contemporain, Uppsala, Acta Universitatis
Upsaliensis n° 16. Importante étude empirique basée sur de solides données de corpus
(12’000 pages d’écrit dépouillées manuellement : 26 romans, 22 numéros de
quotidiens, 2 hebdomadaires, 2 revues mensuelles et quelques essais, publiés
entre 1950 et 1972). Établit notamment une liste des adverbes déclencheurs
d’inversion, avec le pourcentage d’inversion pour chacun d’eux. Tseng, J. (2008) « L’inversion pronominale : histoire
et analyse », Actes du Congrès Mondial de Linguistique Française, Durand
J., Habert B. & Laks B. (éds), Paris, Institut de Linguistique Française,
2629-2644. Article intéressant qui propose une vue historique (en particulier
l’histoire du t épenthétique) et une analyse de l’inv-scl dans le cadre
d’une « version très simplifiée de HPSG ». Cela le conduit à aborder
les principaux problèmes posés par inv-scl (liaisons, élisions, liens entre
l’inversion complexe et la dislocation à gauche, etc.) Dès Blinkenberg (1928), deux types de facteurs sont invoqués
pour expliquer l’inversion : facteurs sémantiques (« la réalisation
d’une pensée ») et facteurs formels (« le fonctionnement d’une
mécanique »). On peut y ajouter, comme le fait Le Bidois (1952) des
facteurs relevant du style ou du registre (niveau de style). Les inv-scl ont fait l’objet de nombreux travaux dans le cadre
de la grammaire générative, qui a proposé différentes modélisations du
phénomène. L’analyse la plus connue est celle initiée par Kayne (1983). Elle a
été reprise et légèrement modifiée par Roberts&Rizzi (1989), et a servi de
base à de nombreux travaux ultérieurs. Selon cette analyse, connue sous le nom
de « V-to-C », les inv-scl résultent d’une montée du verbe depuis sa
position de base dans le syntagme verbal (sous le nœud V) jusqu’au nœud C,
occupé traditionnellement par le complémenteur que. Ce n’est donc pas le
SCL qui vient se placer à droite du verbe mais le verbe qui se déplace à gauche
du SCL (ce dernier est alors envisagé comme un élément pronominal qui occupe
une position standard de SN sujet, et qui se « colle » à la gauche du
verbe par un phénomène de cliticisation). Cette représentation de l’inv-scl
pose problème lorsque le SCL est co-occurrent à un sujet nominal, comme c’est
le cas dans les énoncés à redoublements du sujet ou dans les inversions
complexes. Les partisans de l’hypothèse « V-to-C » considèrent
généralement que les redoublements du sujet n’appartiennent pas à la grammaire
qu’ils modélisent (pour Rizzi & Roberts, par exemple, les redoublements
sont une spécialité de « certaines variétés dialectales du français »
(1989 :11)). Mais ils restent confrontés au problème des inversions
complexes. En effet, dans une question comme Pourquoi Paul est-il
venu ? le verbe étant monté sous C et le mot interrogatif occupant la
position de spécifieur de C, le modèle ne comporte pas de position prévue pour
le sujet nominal. Les défenseurs de l’analyse « V-to-C » sont donc
contraints de recourir à une solution ad hoc pour héberger le sujet nominal
dans de tels cas. De plus, si l’on place le SCL dans une position argumentale
de sujet SN, l’inversion complexe contrevient au principe qui veut qu’une
fonction argumentale (ici sujet) ne puisse être instanciée que par un seul
argument. Un autre type d’analyse est proposé dans le cadre minimaliste
de la grammaire générative, qui décompose le nœud I (Inflexion = lieu de la
flexion verbale) en diverses sous-catégories (par exemple temps, mode, aspect)
créant ainsi différentes positions à l’intérieur de la flexion verbale. Ainsi
pour Sportiche (1999) et Jones (1999) notamment, les inv-scl ne résultent pas
d’une montée du verbe à C mais ont lieu à l’intérieur du nœud I décomposé.
Chacun de ces auteurs propose une solution différente pour expliquer les
inv-scl : pour résumer, Sportiche (1999) propose de distinguer le statut
des SCL préverbaux, qui sont des clitiques formés au niveau de la syntaxe, et
celui des SCL postverbaux, qui sont morphologiquement liés au verbe (avant son
insertion en syntaxe), et dont la position « naturellement » attendue
est celle de suffixes. Quant à Jones (1999), il fait reposer les phénomènes
d’inv-scl sur un renversement de la hiérarchie habituelle entre les nœuds T
(temps) et M (mood) : alors que T domine habituellement M, les inv-scl
apparaissent selon Jones dans une configuration inverse où M domine T. Ces
représentations de l’inv-scl permettent de remédier au problème de position
pour les sujets nominaux des inversions complexes (et pour les énoncés à
redoublement du sujet), mais elles restent confrontées à certains problèmes,
liés notamment à l’assignation du cas nominatif pour les deux sujets. Une
critique souvent émise à l’encontre des approches qui ne se basent pas sur un
mouvement du verbe à C est leur difficulté à rendre compte de l’impossibilité
(supposée) des inv-scl à avoir lieu dans des P enchâssées. En effet, l’inv-scl
est souvent considérée comme un phénomène propre aux contextes des P
principales (root phenomenon), mais certaines données amènent à nuancer
cette hypothèse : si l’inv-scl s’observe rarement dans des P régies, les
exemples suivants montrent qu’elle n’en est pas fondamentalement exclue : (48) (a) On a si vite fait de glisser hors des rails : une intonation, un regard, un verre de trop, suffisent - et de tomber, aux yeux de l’ami, au-dessous de soi, là où peut-être sommes-nous pour de bon ce que nous sommes [ Bianciotti, f] (b) ma mère se disait que peut-être valait-il mieux que grand’mère n’eût rien vu de tout cela [Proust, f] (c) heureux, attendri, détendu comme on l’est après un orage quand la pluie est tombée et qu’à peine sent-on encore sous les grands marronniers s’égoutter à longs intervalles les gouttes suspendues [Proust, f] Si l’on tient toutefois à rendre compte du fait que les inv-scl
ne se rencontrent pas (volontiers) dans des P enchâssées, l’hypothèse V-to-C
offre une explication simple à ce phénomène. En effet, les P enchâssées font
apparaître un complémenteur (que ou si) qui occupe la position
tête du nœud C, et qui empêche le verbe de venir se placer dans cette position.
Le mouvement du verbe de V à C étant bloqué, l’inv-scl ne peut pas avoir lieu. Les phénomènes d’inversion de clitique sont parfois considérés
comme une survivance d’un ordre des mots caractéristique de l’ancienne langue
(v. par ex. Foulet 1929). En ancien français, l’ordre des mots canonique dans
les propositions verbales était de placer le verbe en deuxième position, quel
que soit l’élément (généralement thématique) placé en première position. La
présence initiale d’un adverbe ou d’un objet entraînait donc la postposition du
sujet. Que les inversions de clitique du français moderne soient des
vestiges d’une syntaxe V2, on peut l’envisager dans certains cas: pour les
inv-scl consécutives à des adverbes (ou adjectifs) initiaux ; dans les
questions partielles, lorsque le verbe suit directement un morphème
interrogatif ; dans les incises, où l’élément initial déclencheur d’inv-scl
est constitué par le contenu rapporté précédant le verbe. En revanche, l’ordre
ancien V2 n’est pour rien dans l’existence des inversions complexes, inconnues
de l’ancien français. Les questions totales, où le verbe peut parfaitement
apparaître en première position, n’apparaissent pas non plus liées à une
syntaxe ancienne. Si les données diachroniques peuvent aider à rendre compte de
l’apparition et de l’origine de certaines inv-scl, elles ne permettent en
aucune manière d’expliquer le fonctionnement de l’inv-scl dans le français
contemporain. Outre le fait qu’il n’y a pas de lien entre certaines inv-scl et
la syntaxe V2, la diachronie ne renseigne ni sur les causes ni sur les
modalités de l’alternance, après un adverbe ou un mot interrogatif initial, de
l’ordre SCL+V et de l’ordre V+SCL. L’inversion de clitique est souvent considérée comme un signe
de dépendance. Pour Allaire (1982 : 474), par exemple, « son rôle
fondamental […] est celui d’un indice de la dépendance verbale. » Selon
elle, cette analyse remonte au moins à Damourette & Pichon, pour qui la
« versation rétrograde » a pour fonction « d’exprimer
l’interdépendance de deux propositions » [Essai de grammaire de la
langue française ; §1595] Selon Allaire, la dépendance signalée par l’inversion de
clitique peut être de deux ordres : situationnelle ou contextuelle. Les
énoncés exclamatifs à inversion relèvent par exemple des cas de dépendance
situationnelle, tandis que les cas de dépendance contextuelle comprennent
notamment divers types d’énoncés binaires : (49) (a) À peine les deux assemblées régionales viennent-elles de se mettre à la tâche que déjà elles se disputent. [Allaire 1982] (b) Un problème est-il réglé qu’un nouveau surgit. [ La notion de dépendance semble comprise dans un sens plutôt
large. Dans le cas d’un énoncé comme (50), Allaire évoque une « dépendance
de l’énoncé par rapport au texte antérieur » : (50) C’est vers une telle recommandation que la Chambre de commerce internationale s’achemine. Sans doute ne sera-t-elle pas approuvée unanimement. [ Si l’idée de dépendance s’applique à de nombreux contextes
d’inversion de clitique, certains emplois semblent tout de même y échapper.
Dans les énoncés à adjectif attribut initial, on peut légitimement se demander
quelle forme de dépendance serait signalée par l’inversion de clitique : (51) (a) LE PAPE : heureux est-il d’être autant vilipendé ! Cela donne envie de le soutenir. [web] (b) Regardez le sourire de Léa… heureuse est-elle... [web ; légende d’une photo de chien] Une des descriptions de l’inv-scl en fait un modalisateur de
l’assertion, ou même une marque de non-assertion. Pour Huot (1987), si une
forme verbale conjuguée précédée du clitique sujet est « toujours
assertive » (même lorsqu’elle est accompagnée de la négation), en revanche
l’inversion du sujet clitique « exprime toujours la non-assertion, ou
plutôt une sorte de suspension de la part du locuteur à l’égard de ce
qu’exprime le prédicat verbal » [Huot 1987 : 172]. Cette idée se rencontre également dans la plupart des travaux
inscrits dans le cadre de la grammaire générative. Ainsi, pour les défenseurs
de l’analyse V-to-C décrite en 3.1.1, le mouvement du verbe en C est induit par
la présence d’un trait [+Q], qui témoigne du statut interrogatif de l’énoncé.
Dans la même veine, Jones (1999) remarque que les énoncés présentant une
inv-scl « do not express straightforward statements of fact »
(187). Selon lui, c’est la présence de certains traits illocutoires ou modaux
dans l’énoncé (traits localisés en C) qui implique le renversement de
hiérarchie entre les nœuds mode et temps responsable des inv-scl. On peut mentionner aussi Allaire (1982 : 475) et Muller
(1997, 2007) parmi les partisans d’une vision « non assertive » de
l’inv-scl. Celle-ci est probablement née de l’observation que l’inv-scl est
souvent présente dans les interrogatives et dans les énoncés à adverbes
modalisateurs initiaux (peut-être, probablement, etc.) Pour Muller
(1997), « soit […] il [=le sujet clitique inversé] sert à dénoter
l’interrogation, soit […] il renvoie à un adverbe modalisateur en tête »,
et cela lui confère un rôle « d’acteur de la modalisation
énonciative ». Ainsi, Muller est amené à formuler pour l’inv-scl la règle
suivante : « Le verbe fini non subordonné se déplace dans une position
plus haute dépendant du complexe du Temps verbal, lorsque la signification
énonciative de l’énoncé verbal est qu’il ne constitue pas une assertion
indépendante. La signification illocutoire est alors celle du terme en tête ou
par défaut, celle d’une interrogation. » [Muller 1997 : 90] Focalisée sur les interrogatives et les constructions à adverbe
initial, cette description semble mal convenir à d’autres emplois – clairement
assertifs – de l’inversion de clitique. On peut mentionner entre autres les cas
d’incises de discours rapporté ; il est difficile d’admettre que dans Bonjour,
dit-il, l’incise exprimerait la non-assertion, ou même qu’elle modaliserait
l’assertion de dire. De plus, les adverbes initiaux déclencheurs d’inversion ne sont
pas tous modalisateurs. Ainsi, même en cas d’adverbial initial, l’inv-scl peut
apparaître dans des énoncés bien assertifs : (52) Si un vieillard peut être rajeuni, à plus forte raison pourrai-je moi qui suis jeune encore, retrouver ma virilité. [Queneau, f] Guimier (1997), suivi notamment par Prévost (2010), propose une
version adoucie de la non-assertion, et plaide « pour un invariant
sémantique du schéma syntaxique avec postposition du sujet
clitique » : l’inv-scl correspond à une mise en débat de
l’assertion, ce qui signifie qu’avec l’inv-scl la relation prédicative
n’est pas expressément validée par le locuteur, ou alors elle ne l’est qu’à la
suite d’un débat entre le oui et le non ; c’est ce que Guimier appelle
valeur discussive : « Le locuteur est dans l’incapacité de valider [la relation
prédicative] directement, c’est-à-dire de choisir entre la valeur positive
correspondant à une validation effective et la valeur négative correspondant à
une non validation, ou il ne peut le faire qu’au terme d’un débat qui l’amène à
opposer les deux valeurs complémentaires. » [Guimier 1997 : 51] Ainsi, Guimier cherche à montrer que deux énoncés ne différant
que par la position du sujet clitique (peut-être qu’il vient vs peut-être
vient-il) présentent toujours une différence de sens, l’énoncé avec inv-scl
étant ressenti comme moins assertif. Mais contrairement à ce qu’il affirme, les
« variantes syntaxiques » des P à adverbes initial (i.e. variante
avec ordre canonique et variante avec inv-scl) ne se distinguent pas
nécessairement par leur sens, et peuvent être clairement interchangeables.
L’alternance des structures en (53) le montre : (53) (a) peut-être Dieu était-il mesquin et tracassier comme une vieille dévote, peut-être que Dieu était bête ! [Beauvoir, f] (b) Peut-être que je n’espère plus rien pour moi, peut-être ai-je senti
un sol nouveau, avec ses crevasses de terre brûlée, sa nudité terrible, son paysage de bout du monde [Huguenin, f] En ancien français, le sujet clitique pouvait être soit omis
(cas le plus fréquent), soit préverbal, soit postverbal (cas le moins fréquent)
(Prévost 2010). Les contextes d’apparition de l’inv-scl n’étaient pas
exactement les mêmes qu’aujourd’hui. La présence d’un adverbe initial entraînait la postposition du
sujet (nominal ou pronominal). Mais il n’est pas certain que l’on puisse
véritablement parler à ce stade-là d’inversion de clitique : il paraît en
effet difficile de déterminer à quel moment les sujets pronominaux ont acquis
leurs propriétés clitiques. Selon Fournier (1998 : 36), l’âge classique a
vu le nombre de postpositions de clitique après adverbes diminuer fortement,
celles-ci n’ayant plus lieu qu’après un petit nombre d’adverbes tels que aussi,
peut-être, à peine, ainsi et encore. Il paraît probable qu’après certains adverbes, l’inversion de
clitique soit apparue récemment, vraisemblablement par analogie avec d’autres
adverbes déclenchant l’inversion. Le Bidois (1952, 122-125) et Jonare
(1976, 170) condamnent tous deux l’emploi de l’inv-scl après certains adverbes
qui n’entraînaient pas la postposition du sujet dans l’ancienne langue (par
exemple d’ailleurs, pourtant, certes, plutôt, pareillement). Les
inversions de clitiques après tellement, heureusement, bien sûr, etc.
semblent elles aussi d’usage récent. Ces faits attestent que l’inv-scl continue
d’investir l’écrit de manière dynamique et novatrice, même si elle est beaucoup
moins fréquente dans l’oral spontané (sans qu’on sache d’ailleurs si cette
rareté à l’oral est récente ou déjà ancienne, par manque de documents d’oral
spontané avant la deuxième moitié du XXe siècle). Dans le domaine de l’interrogation, les inversions de clitique
se sont faites de plus en plus rares de l’ancien français à nos jours. Elles
ont été concurrencées par d’autres variantes et ont aujourd’hui pratiquement
disparu de l’oral. Elsig (2009) a montré qu’au Canada, où l’inv-scl est couramment
utilisée à l’oral, les locuteurs âgés de plus de 35 ans en usent
significativement plus que ceux qui ont entre 15 et 35 ans (le déclin de la
variante à inv-scl chez les jeunes se fait au profit de la variante en –ti).
Cela pourrait signifier qu’un changement est en cours, l’inv-scl interrogative
disparaissant peu à peu du français oral québécois, comme ce fut le cas en
Europe. Certains verbes (entre autres ceux du premier groupe) acceptent
difficilement l’inversion du sujet je, alors qu’elle était régulière
dans l’ancienne langue. Des tournures telles que aimé-je, puissé-je, veux-je,
etc. ne se rencontrent plus guère que dans certains écrits littéraires et/ou
archaïsants (v. §§1.1.2 et 1.5). Les séquences qui présentent un sujet nominal suivi d’un sujet
clitique postposé au verbe peuvent être syntaxiquement ambiguës. Ainsi, deux
analyses sont possibles pour les exemples (54), l’une en termes d’inversion
complexe, l’autre en termes de dislocation du sujet suivie d’une inversion
simple. (54) (a) car effectivement il y a une éthique de la cons- de la consommation une éthique aussi de la production + euh /c’est, ces/ les biens que nous achetons sont-ils fabriqués avec euh des personnes qui sont dans une des conditions de travail qui respectent les règles internationales [CRFP] (b) comment qualifieriez-vous l’efficacité de l’organisation au cours de l’échange + le groupe + a-t-il rempli la tâche qui lui était assignée + [CRFP, pub-pcr-1] À l’écrit, une virgule suivant directement le sujet signale
souvent un cas de dislocation, mais ce critère ne permet pas de distinguer
infailliblement les inversions complexes des détachements. Ainsi dans les deux
exemples suivants, ni la présence (55) ni l’absence (56) d’une virgule entre le
sujet et le verbe ne permettent de déterminer clairement si l’inversion est
simple ou complexe : (55) Mais ces fleurs, ces illusions de fleurs et de printemps inaccessible, ces fleurs de cave et de famine, ont-elles moins de réalité que celles écloses dans les jardins et dans les arbres ? [S. Germain, f] (56) Et ce crieur noir qui plane au-dessus de la volée tournoyante n’est-il pas un cormoran ? [Bianciotti, f] Alors que de nombreux énoncés contenant un sujet SN suivi d’un
SCL inversé sont métanalytiques, acceptant aussi bien une analyse en termes de
dislocation que d’inversion complexe, certains ne peuvent donner lieu qu’à une
seule analyse : - En principe, lorsqu’un pronom indéfini quantifieur du type tout,
personne, quelque chose, est suivi d’un SCL inversé, il ne peut s’agir que
d’une inversion complexe, ce type de pronom n’étant pas compatible avec la
position disloquée, du fait qu’il ne désigne pas un objet de discours
topicalisable. Ainsi, en (57a) comme en (57b), le SN quelqu’un n’est pas
un sujet disloqué (à noter que le premier emploi semble réservé à l’oral
spontané tandis que le second appartient à l’écrit bien normatif) : (57) (a) c’est-à-dire si quelqu’un il arrive à à Paris + il n’est pas il ne parle pas le français + et + pour se communiquer il va essayer de parler une langue même si ce n’est pas l’anglais [CRFP] (b) Le silence est revenu mais me paraît plus lourd. Quelqu’un va-t-il se réveiller? [Pilhes, f] - Par ailleurs, le SCL ce postverbal n’est jamais
co-occurrent avec un SN sujet en position canonique (= non disloqué, v. Kayne
1972, Tseng 2008), ce qui signifie que les énoncés de type SN+V-ce…
doivent toujours s’analyser comme des cas de dislocation : (58) Ce cœur qu’elle entend battre, ce spasme, est-ce une menace ? Ce goût fiévreux de silence, est-ce un signe ? [Romilly, f] Ainsi, en (58), s’il s’était agi d’une inversion complexe,
c’est le clitique -il qui aurait été employé et non -ce. Les SN de nature propositionnelle ou infinitive et cela
ont la particularité de ne pouvoir être suivis que de ce/ça et jamais de
il/elle lorsqu’ils apparaissent dans une configuration sans
inv-scl : (59) (a) La différence entre croupir et paresser, c’est que paresser c’est un péché. [Forlani, f]
(b) Cela, c’est la thèse officielle, la ligne du Parti. [Carrère, f] Lorsque des sujets SN de ce type apparaissent conjointement à
une inv-scl, la nature du clitique permet de déterminer sans ambiguïté
l’analyse structurale de la suite SN+SV : en effet, le clitique il,
inapte à accompagner les sujets propositionnels ou infinitifs disloqués, ne
peut servir qu’à la formation d’inversions complexes : (60) (a) En quoi cela peut-il m’intéresser ? [Rheims, f]
(b) Instruire est-il l’essence du spectacle ? [Histoire des spectacles, 1965, f] Il n’est pas toujours évident de déterminer précisément ce qui
déclenche, ou rend possible, l’inversion du sujet clitique. En (61), on peut supposer que peut-être est intégré
(prosodiquement et syntaxiquement) à la P qui le suit et que c’est sa présence
initiale qui donne lieu à l’inv-scl. Mais on peut aussi interpréter la P
commençant par pouvez-vous comme une question énoncée indépendamment de peut-être,
ce dernier apparaissant alors comme un élément détaché de la P qui le suit et
non responsable de l’inv-scl : (61) Agnès, peut-être pouvez-vous nous expliquer un peu ce qu’est un Point Information Conseil et à quel moment intervient ce PIC ? [w, transcription d’oral] En (62), la présence de l’inv-scl peut être attribuée au
caractère interrogatif ou exclamatif de l’énoncé, la limite entre les deux
n’étant pas toujours discernable : (62) N’est-ce pas là encore des paroles inouïes ! [Montherlant] En (63), l’inv-scl peut s’expliquer de deux manières : (63) D’où a-t-il déclaré : « avoir du matériel c’est bien, le sécuriser c’est mieux ». [web] Dans une première lecture, on considère que l’inv-scl est
simplement provoquée par la présence d’un constituant adverbial initial (d’où).
Selon une seconde interprétation, on a affaire à l’inversion d’une incise de
discours rapporté ; dans ce cas le segment d’où doit être
considéré, en dépit de l’absence des guillemets, comme un fragment de discours
rapporté, permettant l’insertion d’une incise de discours rapporté après lui
(le contexte large autorise cette deuxième hypothèse ; v. Gachet 2011). En (64), il est impossible de savoir si l’inversion de peut-on
dire maintenant est due à un statut d’incise ou à celui de question : (64) parce que euh au cours de notre + peut-on dire maintenant de notre longue carrière + nous avons + eu des contacts avec d’autres associations [oral, CRFP] Enfin, il est fréquent que plusieurs adverbes précèdent une inv-scl,
auquel cas il est difficile de déterminer lequel est responsable de l’inversion
(et on peut également considérer que plusieurs adverbes peuvent agir
conjointement) : (65) Certes enfin, bouquet final, garde-t-on parfois pour l’autre, en toute dernière extrémité, argument suprême à n’utiliser qu’avec précaution (…) [Benoziglio, f] À l’intérieur des différents domaines dans lesquels elle
apparaît, l’inversion de clitique entre souvent en concurrence avec d’autres
constructions, dont la nature varie en fonction du domaine concerné. Les
principaux contextes touchés par des phénomènes de variation impliquant
l’inv-scl sont les suivants : Interrogations.
> Notice L’inversion fait partie des diverses structures syntaxiques
existantes pour former des questions. Elle alterne avec : - l’ordre sujet-verbe (tu joues bien ?) Au Canada, une quatrième structure est couramment utilisée, qui
est devenue rare en Europe (v. §4.2.3) : - sujet-verbe + ti (tu joues-ti bien ?) Il arrive que la variante en est-ce que et la variante à
inv-scl se cumulent. Ce phénomène, résultant sans doute d’une hypercorrection,
semble se répandre à l’oral, en particulier dans l’oral journalistique (66),
mais il n’est pas absent de l’écrit, comme le montre l’exemple (67) donné par
Gadet (1997) : (66) On doit se poser la question de savoir est-ce que le livre qui est un bien économique enfin qui fait partie du d’un d’un marché économique mais qui est aussi un bien culturel ne devrait-il pas échapper euh à la loi sur les cartels ?radio? (67) Pourquoi est-ce que le locuteur accumule-t-il ainsi les formules ? Adverbes. Tous les adverbes qui permettent l’inversion de clitique
peuvent aussi être suivis de l’ordre sujet-verbe : peut-être il viendra.
Parmi ces adverbes, certains admettent aussi d’être suivis par que :
il s’agit des adverbes modaux du type apparemment, bien entendu,
certainement, évidemment, peut-être, etc., de l’évaluatif heureusement.
Une quatrième construction, bien plus rare, formée avec la particule est-ce
que, est également susceptible d’apparaître après des adverbes acceptant
l’inversion de clitique : (68) (a) Dans l’ensemble ils ne faisaient rien, ou peut-être est-ce qu’ils méditaient à leur manière – beaucoup avaient les paumes ouvertes, et le regard tourné vers les étoiles. [Houellebecq] (b) Le monde change de dimension et ses contours se font incertains, tout au plus est-ce que je distingue encore le sol et le ciel, incapable de savoir si l’amas poussiéreux que je foule monte ou descends, incapable de savoir où commence l’ocre obscur et où s’arrête le sable clair. [web] La liste des adverbes susceptibles d’être suivis par est-ce
que (sans que l’on ait affaire à un énoncé interrogatif) est difficile à
établir étant donné l’extrême rareté de la construction. À côté de peut-être,
dont les occurrences suivies d’est-ce que sont relativement bien
représentées sur internet et dans la littérature contemporaine, on trouve
quelques occurrences sporadiques d’est-ce que après les adverbes sans
doute, certes, probablement, à peine, tout au plus et au moins. Les propositions à adverbe initial connaissent donc au maximum
quatre variantes, résumées ci-dessous : - peut-être viendra-t-il Comme c’est le cas pour l’interrogation, cf. ex. (66-67), il
arrive qu’un cumul de variantes se produise dans une proposition régie par un
adverbe, l’inversion de clitique venant s’ajouter à la présence du que: (69) (a) Peut-être que ses réticences à l’égard du P.C. étaient-elles aussi futiles [Beauvoir < Grevisse] (b) Et peut-être qu’après cet entretien public, et particulier à la fois, serons-nous les meilleurs amis du monde. [Gibeau, f] Incises. On rencontre également plusieurs variantes en concurrence pour
les incises, qu’il s’agisse d’incises de discours rapporté ou d’incises dites
modales. L’ordre sujet-verbe ou l’utilisation de que peuvent se
substituer à l’inversion, de sorte que les incises peuvent apparaître sous
trois formes différentes : dit-il me semble-t-il Contructions concessives en si + Adj Dans les énoncés du type si +Adj+V (si grand soit-il)
et autres concessives dites extensionnelles (introduites par aussi, quelque,
etc.), l’inv-scl vient concurrencer les formulations en que : (70) (a) Si charmant qu’il soit, si brillant, je soupçonne cet intellectuel d’être un petit-bourgeois. [d’Ormesson] (b) Parce qu’elles étaient en première ligne, alors que lui et ses copains américains ou australiens,
aussi proches qu’ils fussent de la ligne rouge, ne la dépassaient jamais et demeuraient des spectateurs. [Labro] D’une manière générale, l’inv-scl est associée à un langage
plutôt soutenu. Elle apparaît également plus volontiers à l’écrit qu’à
l’oral : Le Bidois (1938 : 11) parle de « répugnance de la
langue parlée pour l’inversion ». Ces tendances sont confirmées pour l’interrogation par
plusieurs études basées notamment sur des corpus de français parlé. Il en
ressort que l’inversion est pratiquement absente en français oral spontané (à
l’exception du français canadien, voir plus bas). Ce constat apparaît par
exemple chez Pohl (1965), Behnstedt (1973), Söll (1983) et Coveney (2002), voir
§ 4.3. Selon Fontaney (1991), qui n’a rencontré aucune inv-scl dans les quatre
corpus oraux qu’elle a exploités, « la forme se fait littéraire et désuète
ou sert à marquer un niveau de formalité ou de politesse, comme au téléphone
« Monsieur X est-il là ? » ». Les études concernant l’inversion après adverbes sont moins
nombreuses, mais elles indiquent aussi une affinité des inversions de clitiques
avec les contextes de français soutenu et/ou écrit. Jonare (1976 :
138-142), qui a étudié les phénomènes d’inversion après adverbes initiaux dans
plusieurs romans et journaux, mentionne l’existence d’une corrélation entre
l’inv-scl et le « niveau de style ». Elle relie la construction ‘peut-être
+ inversion de clitique’ à un style soigné et celle en ‘peut-être +
sujet-verbe’ à la langue populaire (elle recense cette construction principalement
chez Céline et Charrière). La séquence ‘peut-être que + sujet-verbe’,
quant à elle, témoignerait d’un niveau stylistique intermédiaire. Pour Guimier
(1997), l’usage de l’inv-scl ou de l’ordre sujet-verbe après un adverbe initial
relève plus du médium écrit ou oral que du registre de langue (il observe peu
d’inversions à l’oral, même dans les styles soutenus). Le dépouillement de
corpus oraux montre que les inversions de clitiques après adverbes sont très
rares en français parlé spontané. À l’écrit en revanche, l’inv-scl est utilisée
de manière majoritaire avec certains adverbes initiaux comme peut-être, à
peine ou aussi (voir les chiffres § 4.3). À l’écrit, les incises de discours rapporté présentent presque
toujours une inversion du sujet (qui peut être une inv-scl ou une inversion
nominale). L’ordre sujet-verbe et l’usage de la particule que se
rencontrent principalement dans des contrefaçons d’oral spontané, comme en (71). (71) « C’est quoi ce bordel ? que j’y dis. - Orly, qu’y me fait. - Orly mes fesses ! j’y dis. - Orly ouest », qu’il fait. [Queffélec, f] En français parlé spontané, les incises de discours rapporté
sont peu fréquentes, et il semble que leurs rares occurrences fassent
apparaître l’ordre canonique ou que plus volontiers que l’inv-scl. (72) (a) C’est-il un métier, ramasseur ed merde ed clebs ? [Caradec] (b) Quand c’est-il qu’on pourra voir ? [Genevoix] (c) Jsais-ti moi ? [Queneau] (d) Alors, vous êtes-ti bien à votre affaire là-dedans? demandait le maire en s’approchant. [Chevallier] Il n’est pas simple de décider si ces formulations
interrogatives relèvent de l’inv-scl ou non ; en revanche, il est
généralement admis qu’elles sont issues de l’inversion complexe (Dauzat 1958,
Renchon 1967, Chevalier & al. 1978, Arrivé & al. 1986,
etc.) : la séquence /til/ (aussi /ti/) est produite par l’inversion du
clitique il (le t étant soit une désinence du verbe soit une
épenthèse d’origine analogique, v. supra §1.1.2) ; elle
s’affranchit de la 3e personne du masculin singulier, pour être finalement
réanalysée comme un morphème marqueur d’interrogation. Blinkenberg y voit une
métanalyse affectant forme et fonction, et Lerch un phénomène relevant de
l’hypercorrectisme. Pour Vendryès, le -ti est appelé à être le
« symbole unique de l’interrogation ». Il faut signaler qu’au Québec,
un phénomène similaire se réalise en -tu (plus précisément prononcé [tsy]) :
(73) (a) Vous avez-tu eu peur
(b) ils vont-tu le garder là indéfiniment Caline, des dizaines d’années ?
(c) ces hommes-là vient-tu fous ? [< Elsig] Dater l’émergence de ces emplois de -ti(l) est
problématique : les datations proposées par les chercheurs varient
généralement entre le XVIe, le XVIIe, et le XVIIIe siècles. Mais Renchon
mentionne déjà un cas de c’est-il dans un mystère de Troyes au XVe
siècle : C’est-il sur cette ânesse-là ? (en l’absence d’un
contexte plus large, cet exemple n’est pas entièrement probant : à cette
époque, il pourrait aussi s’interpréter C’est lui sur cette ânesse-là ?).
Il est probablement impossible de décider à quel moment le phénomène apparaît
dans la langue parlée, mais il est certain en tout cas que c’est au XVIIIe
siècle qu’il se répand dans la littérature, avec le développement d’une
littérature populacière, « poissarde » (Vadé, etc.). Il est
généralement admis que le phénomène est en déclin de nos jours, pour avoir,
selon Dauzat et Grevisse, été beaucoup stigmatisé par la norme. C’est
vraisemblablement à cause de cette stigmatisation que la séquence -ti(l)
a échoué à devenir le marqueur unique de l’interrogation. Cette formule se
révèle cependant fort utile dans certains emplois, notamment lorsqu’il s’agit
d’interroger une assertion en c’est que, surtout affectée d’une valeur
causale : est-ce que ne pouvant pas faire l’affaire, c’est-il
que fournit une solution moins lourde que est-ce que c’est que (Mes
doigts sont engourdis. C’est qu’il fait froid. *Est-ce qu’il fait froid ?
vs C’est-il qu’il fait froid ? Est-ce que c’est qu’il fait froid ?).
Il est intéressant de noter que la formule -ti(l) est utilisée non
seulement pour les questions les plus classiques de demande d’information, mais
aussi pour des interrogations à valeur conditionnelle ou suppositive (Tu
planterais ti que des petits pois… ; Quand elle tomberait ti sur la ferme…
(74) Figure à part, il n’y eût-il que l’état, quelle femme peut résister aux attraits d’un homme de justice [Sade Foulet note même des emplois où -ti ne fait que donner
« une nuance d’incertitude » (quoi qu’i n’en soit ti…) Il faut
en conclure que, tout comme l’inversion de clitique en contexte interrogatif, -ti(l)
marque moins une interrogation stricto sensu qu’une « modalité
épistémique d’indécision ou ontique d’éventualité » (Berrendonner, à
paraître). La variation diatopique la plus représentative est certainement
celle qui concerne l’usage des questions à inv-scl dans le Canada francophone.
Comme il a été dit plus haut, la variante interrogative à inv-scl y est encore
d’usage courant alors qu’elle a pratiquement disparu du français oral européen.
Il semblerait cependant que certaines régions françaises, notamment la
Normandie, connaissent encore un usage relativement élevé d’inv-scl
interrogatives. En 1958, F. Bar écrivait à propos de l’interrogation à
inversion de clitique : « elle était vivace il y a une trentaine
d’années en Charente-Maritime. Au témoignage des étudiants de Caen, elle l’est
encore en Normandie » (cité par Renchon, 1967, 79). En ce qui concerne les inv-scl après adverbes, des différences
diatopiques semblent pouvoir être observées au niveau lexical. Ainsi, il semble
que l’inv-scl après rarement soit plus fréquente au Québec qu’ailleurs,
et après difficilement en Afrique francophone. L’inv-scl après non
seulement paraît également bien répandue en français du Québec, où elle
suscite des dénonciations normatives (certains y voient un calque de l’anglais not
only + inversion), tandis que certains ouvrages ou sites internet normatifs
admettent non seulement parmi les adverbes déclencheurs d’inversion. Ces
différentes tendances devraient encore être confirmées par des enquêtes
systématiques. Plusieurs études ont quantifié le nombre d’occurrences des
inversions de clitique dans des propositions interrogatives, tant en français
oral qu’en français écrit. La comparaison des chiffres à travers les
différentes études n’est pas toujours aisée, en raison des méthodes parfois
divergentes utilisées par les chercheurs pour calculer la proportion d’inv-scl
dans les propositions interrogatives. Dans le cas des questions totales, toutes les constructions
interrogatives sont généralement disponibles d’un point de vue grammatical,
mais le contexte pragmatique peut requérir ou exclure l’usage d’une
construction en particulier (certaines demandes de confirmations, ou certaines
questions se terminant par hein, par exemple, ne peuvent s’exprimer que
par la variante sujet-verbe). Certains auteurs calculent la proportion
d’inv-scl par rapport à toutes les interrogations rencontrées indépendamment de
leur compatibilité grammaticale ou pragmatique avec l’inv-scl, alors que
d’autres ne comptabilisent que les interrogations compatibles avec l’apparition
d’une inv-scl : les résultats peuvent donc varier passablement en fonction
du mode de comptage adopté. Au titre des questions partielles (avec morphème interrogatif),
le problème de l’interchangeabilité des diverses constructions interrogatives
se pose surtout au niveau grammatical. Par exemple, la postposition du sujet
nominal (quand part le train ?) est possible avec la plupart des
mots interrogatifs mais plus difficile avec pourquoi (cf. exemple (45) supra)
et qui sujet est très rarement suivi d’une inv-scl. L’inv-scl avec qui
sujet est même souvent réputée impossible (Kayne 1972, 98), bien qu’on en
rencontre quelques occurrences, en particulier lorsque qui sujet est
suivi d’un élément partitif : (75) (a) Bonjour, qui peut-il me dire si je peux passer un SMS à partir de mon PC vers un téléphone mobile ? [web] (b) Dans l'histoire de l'Humanité, qui a-t-il déjà eu la présence d'esprit de renvoyer des notes de frais qu'on lui avait demandé d'avancer ? [web] (c) Qui d'entre vous peut-il de mémoire citer une seule oeuvre magistrale de ce prosateur devenu éditorialiste de droite dans le quotidien espagnol ! [web] (d) À part lui, qui d'autre peut-il prendre cette initiative? [Tomaino Ndam Njoya (e) Bonjour à tous, Qui parmi vous a-t-il déjà essayé le traitement du professeur Ibrahim Saraçoglu spécialisé en phytothérapie? [web] Presque chaque mot interrogatif entraîne des restrictions
grammaticales particulières, de sorte que les études qui quantifient
l’utilisation des formes de la question partielle divisent généralement leurs
résultats en fonction du mot interrogatif utilisé. Nous ne mentionnons ci-dessous que les résultats concernant les
questions totales. Les comptages effectués sur les interrogatives partielles sont
en effet impossibles à exploiter, du fait que les critères varient de manière
importante selon les auteurs, rendant la comparaison des chiffres obtenus très
difficile à interpréter. D’une manière générale, les inv-scl sont rares en
français oral spontané, autant pour les questions totales que partielles. Les
chiffres donnés par Elsig montrent cependant que l’inv-scl est bien vivante en
français québécois, où elle apparaît presque exclusivement avec les sujets de
deuxième personne tu et vous. Les données statistiques concernant les inversions de clitiques
sont beaucoup moins nombreuses dans le contexte des propositions adverbiales
que dans celui des interrogations. En français oral spontané, les inv-scl après
adverbe sont presque inexistantes, ce qui explique l’absence de données
statistiques sur le sujet. Français oral Le dépouillement de quelques corpus de français oral montre que
l’usage de l’inv-scl est très marginal après un adverbe. Les rares cas
rencontrés s’inscrivent presque tous dans des expressions figées ou semi-figées
(voir plus bas). Français écrit Jonare (1976) a relevé de nombreuses inv-scl dans un corpus
formé de romans et de journaux ou revues, tous publiés après 1950. Ses analyses
portent sur une dizaine d’adverbes pouvant être suivis de l’inv-scl. Jonare a
répertorié et compté tous les cas d’inversions de clitique, mais également les
autres structures syntaxiques où pouvaient apparaître les adverbes étudiés. Ses
chiffres permettent donc de comparer la proportion d’inv-scl après adverbes,
avec celle d’autres structures en concurrence. Les adverbes ci-dessous sont
ceux pour lesquels Jonare a accumulé le plus d’exemples. Le nombre total inclut
toutes les occurrences de l’adverbe en position initiale (suivi ou non de
l’inversion, ou de que). Nos propres comptages (effectués dans Frantext, sur tout
ou partie du XXe siècle) corroborent ces chiffres : Jonare (1976) montre encore qu’une proposition à adverbe
initial peut présenter des caractéristiques syntaxiques plus ou moins
favorables à l’apparition d’une inv-scl : alors que la présence d’un sujet
SN n’a que peu d’influence sur l’usage des inv-scl, la personne du verbe est
plus déterminante, les clitiques il(s) et elle(s) étant proportionnellement
mieux représentés dans les inv-scl que je, tu, nous et vous.
Jonare observe également que lorsqu’un élément est intercalé entre l’adverbe
initial et le groupe sujet-verbe, les probabilités d’avoir une inv-scl
diminuent par rapport aux cas où le groupe verbal suit directement l’adverbe. L’analyse de corpus oraux révèle que l’utilisation des
inversions de clitique à l’oral se maintient principalement dans des locutions
figées ou semi-figées. Pour l’interrogation, les inversions les plus fréquentes
se rencontrent dans les tours suivants : voyez-vous, comprenez-vous,
n’est-ce pas, que sais-je, comment veux-tu que…, comment dirais-je. L’inversion
de clitique après les adverbes toujours et encore est fréquente à
l’oral dans les locutions toujours est-il et encore faut-il. Au
niveau des incises à inversion, il n’est pas rare de rencontrer à l’oral les
formes paraît-il et semble-t-il. On peut noter encore l’usage
courant des tournures en ne serait-ce que (valeur hypothético-concessive)
à l’oral. 4.4.1. Inversion du sujet clitique à l’oral Les inv-scl étant très rares à l’oral, il est difficile
d’obtenir des informations concluantes sur leurs utilisations effectives par
les locuteurs. En effet, la plupart des études basées sur des corpus oraux ne
peuvent que constater l’absence d’inv-scl ou rendre compte de quelques
occurrences trop peu nombreuses pour donner lieu à des estimations
statistiques. Pour obtenir des résultats plus significatifs, il faudrait
pouvoir travailler sur des corpus plus volumineux et/ou de natures plus
variées. Certains exemples présentés dans les sections précédentes
correspondent à des constructions rares, passées inaperçues et/ou considérées
comme impossibles. On pense principalement aux cas suivants : - L’inv-scl qui précède l’adverbe (supposé être) déclencheur
d’inversion : exemples (28) et aussi (81) infra. - L’inv-scl liée à la présence d’un
constituant initial non adverbial : exemples (34) - L’inv-scl qui apparaît dans une P
enchâssée : avec un adverbe initial - exemples (48) - ou sans adverbe
initial – les relatives des exemples (35) - Le cumul d’une inv-scl avec les
marqueurs est-ce que – exemples (66-67) ou que – exemples (69) - Les inversions complexes avec qui
sujet : exemples (124)-(128). Parmi les données rares, passées inaperçues ou réputées
impossibles, on peut encore mentionner les difficultés d’accord en cas de
co-occurrence entre un sujet SN et un SCL. En effet, en cas d’inversion
complexe, il arrive que les sujets clitiques inversés ne soient pas accordés
avec le sujet (nominal) du verbe qu’ils suivent, mais avec un autre argument
verbal : (76) Peut-être ces absences les arrangeaient-ils tous les deux [Grenier, f] Morin (1985), soutient que ce phénomène survient uniquement
lorsqu’un pronom objet précède le verbe. Dans de tels cas, le clitique postposé
s’accorderait avec l’objet clitique plutôt qu’avec le sujet. Morin donne pour
exemple l’énoncé cela la gêne-t-elle, construit pour les besoins de son
étude, mais largement attesté sur le web (des énoncés tels que cela la
regarde-t-elle ou cela lui a-t-elle... sont également bien
représentés sur internet et prouvent que le phénomène n’est pas isolé).
L’existence d’exemples tels que (77) suggère que l’accord du clitique inversé
peut aussi se faire avec un objet indirect qui précède le verbe (dans les
exemples suivants, lui et leur réfèrent à des individus masculins): (77) (a) Cette solution lui a-t-il été proposé ? [email professionnel] (b) Ainsi, cette parcellisation du travail, assortie de la
latitude des agents de base – majoritairement des femmes – leur donnent-ils
l’impression de réellement contribuer à la sauvegarde du modèle social
français, d’autant que leurs conditions de travail ont été enfin améliorées. [Revue
française de sciences politiques] Il peut aussi arriver que le clitique inversé impliqué dans une
inversion complexe ne reprenne pas les traits de genre et/ou de nombre du SN
sujet mais fasse apparaître un accord « sémantique », lié aux
caractéristiques du référent désigné par le SN sujet : en (78) le féminin elle
s’explique par le fait que la question s’adresse à des femmes et en (79), le
pluriel ils correspond aux différents acteurs dont est composé le
gouvernement. (78) Coucou à toutes, depuis un moment j’aimerai remplacer mon spray kakabeurk pour mes cheveux par un spray fait maison. Est-ce que quelqu’un a-t-elle déjà tenté une recette? [web] (79) Quel rôle le gouvernement ont-ils joué dans la civilisation ? Gouvernement se réfère aux législateurs, administrateurs et arbitres dans la bureaucratie administrative qui contrôlent un État à un moment donné et au système de gouvernement par lequel ils sont organisés. [web] 5.1. Parmi les notions les plus intéressantes mises en
lumière par l’inversion du sujet clitique, il faut mentionner la conception qui
considère les sujets clitiques comme des affixes remplissant une fonction de
marqueurs d’accord (Lambrecht 1981, Auger 1995, Berrendonner à par.) D’abord,
cette conception a des conséquences sur la notion de flexif, qui s’étend ainsi
à des affixes de syntagmes (v. §1.1.1). Ensuite, elle implique certaines
révisions des thèses en vigueur dans le domaine de la sémantique des
désignateurs : si les sujets clitiques sont des flexifs verbaux, les
constructions verbales du type il vient sont des constructions à sujet
ø, et les valeurs référentielles communément attribuées aux pronoms sont donc
en réalité à imputer à une absence de sujet. Au plan de la syntaxe, cette
conception implique que le français est une langue à sujet non obligatoire, ce
qui demande de réviser la doctrine traditionnelle concernant son statut à
l’égard du ‘paramètre pro-drop’. 5.2. Comme le montre la section 3, les différentes
interprétations et descriptions de l’inversion de clitique n’ont qu’une portée
partielle ; aucune d’elles n’est capable à elle seule de rendre compte de
toutes les occurrences ni de tous les aspects de l’inv-scl. On peut mettre en
doute que l’inv-scl soit un phénomène homogène, monolithique et unifonctionnel.
Il semble raisonnable au contraire d’y voir la manifestation segmentale de
phénomènes divers, répondant à divers besoins et pouvant remplir diverses
fonctions. Les deux possibilités de remplacer l’inv-scl en cas de sujet
nominal semblent indiquer qu’elle peut répondre à deux enjeux distincts. Dans
les contextes où l’inv-scl commute avec l’inversion complexe, c’est la
succession ‘V + SCL’ qui est recherchée, tandis que dans les contextes où elle
alterne avec l’inversion nominale, c’est plutôt la position initiale du verbe
(ou immédiatement derrière un constituant initial) qui est en jeu. On peut
ainsi distinguer par exemple l’inv-scl des interrogatives totales (viendra-t-il ?
Gilles viendra-t-il ? *viendra Gilles ?) et celle des incises de
DR (dit-il, dit Gilles, *Gilles dit-il). À noter que certaines
structures (une partie des interrogatives partielles et des structures à
adverbe initial, notamment) se satisfont des deux types (Depuis quand
court-il ? Depuis quand court Gilles ? Depuis quand Gilles
court-il ?). De plus, l’inv-scl peut remplir diverses fonctions. Elle peut,
selon les contextes, (i) servir au marquage de la modalité (hypothétique, interrogative, etc.) Transversalement à ces différentes
fonctions, l’inv-scl apparaît dans la majorité de ses contextes comme une
variante prestigieuse, ce qui lui confère une fonction connotative de marqueur
d’un registre soutenu, formel. Certaines occurrences d’inv-scl cumulent toutes ces fonctions : (80) à peine eut-il mis le pied sur les marches, il se souvint que Rachel habitait au-dessous. [Martin du Gard, f] Dans cet énoncé, l’inv-scl participe, avec à peine, à la
modalisation de l’assertion, et au marquage d’un registre plutôt élevé (vs à
peine il avait mis le pied…) ; elle marque la dépendance entre deux
propositions, et pourrait, dans un autre registre, commuter avec que (à
peine qu’il avait mis le pied, il se souvint…) ; de plus elle est
certainement un résidu de la syntaxe ancienne V2. Dans d’autres énoncés, cf.
exemples de la section 3, l’inv-scl ne remplit pas toutes les fonctions. 5.3. Études à faire Les contextes dans lesquels on rencontre l’inversion du sujet
clitique sont nombreux et divers ; certains d’entre eux ont été très peu
explorés, et il n’est même pas certain qu’ils aient été tous identifiés (v.
§1.3.1). C’est dire que le domaine de l’inv-scl comporte encore de nombreuses
zones d’ombre susceptibles d’être éclairées par de nouvelles recherches. Parmi
les études restant à faire, on peut suggérer les suivantes. - L’inversion de clitique favorisée par un adverbe en position
non-initiale est encore très mal connue. Elle a souvent lieu avec encore,
mais on la rencontre également avec d’autres adverbes : (81) (a) Une clause dans le contrat oral prévoyait en effet la possibilité de descendre à Brioude un jour par mois. Fallait-il encore trouver un moyen de locomotion assez rapide pour parcourir deux fois quinze kilomètres sans que la journée en soit trop écourtée. [Lanzmann, f] (b) On peut ergoter sur le fait qu’il manque une approche « auteur » des adaptations au cinéma d’Harry Potter. Faut-il encore ne pas trahir l’écrit. David Yates réussit brillamment l’exercice de transposition […] [presse, courrier des lecteurs] (c) Bourreau de travail, Lully dirigeait en outre l’opéra du Palais-Royal à Paris. Est-il peut-être nécessaire de rappeler que l’opéra était à l’époque une entreprise privée, non subventionnée par l’État. [Encyclopédie alpha] (d) J’ai grandi entourée de livres et de papiers à l’imprimerie de mon père, ce lieu est-il certainement à l’origine de cette passion que je cultive aujourd’hui. [web] - L’inversion provoquée par la position initiale de quand
bien même mériterait aussi une étude : (82) (a) De quoi réclamer réparation financière en raison du préjudice subi. Un procès en perspective, quand bien même l’inévitable ramdam ferait-il de la publicité à un livre qui ne devrait pas dépasser les 25 000 exemplaires malgré un fort battage médiatique. [web, blog] (b) Quand bien même y aurait-il déclin des formes de la discussion en société, il serait illégitime d’en inférer la disparition de l’esprit critique. [Lipovetsky, f] Dans ces contextes, le comportement singulier de quand bien
même semble se différencier de celui d’un subordonnant (cf. quand :
*quand le chat n’est-il pas là, les souris dansent), sans devenir pour
autant celui d’un adverbe (*l’inévitable ramdam ferait quand bien même de la
publicité…) Une étude permettant d’y voir plus clair serait bienvenue. - Le caractère « prestigieux » de l’inv-scl engage à
mesurer la part de l’hypercorrection responsable d’un certain nombre de ses
emplois. Il serait intéressant à cet égard d’étudier les co-occurrences de est-ce
que et de l’inv-scl, qu’on observe en (78) et (67). Ce type d’étude
nécessiterait (et favoriserait en même temps) une théorisation plus précise des
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structure de la proposition en français. » in L. Begioni & C. Muller
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in honor of Richard S. Kayne. Washington DC: Georgetown University Press. Zwicky, A. (1977). On Clitics, Bloomington, I.U.
Linguistics Club. CHOISIR UNE POLICE:Certaines incises modales (paraît-il,
semble-t-il, croyons-nous, etc.)
Propositions à adverbe initial.
(b) Peut-être mon père n’a-t-il pas su ce qu’il faisait. [Salvayre, f]
(b) La saison 91 est-elle à peine commencée que s’annoncent déjà de prochaines compétitions pour 92 [oral, radio]
1.3. Difficultés 1.3.1. Variété des contextes
1.3.2. Diverses solutions en cas de sujet nominal (inversion complexe, inversion
nominale)
1.3.3. Inversion du sujet clitique et inversion complexe
1.3.4. Le statut grammatical du clitique
1.3.5. Difficulté bibliographique
1.4. Approches privilégiées.1.4.1. Approche socio-linguistique
1.4.2. Approche générativiste
1.5. Problèmes terminologiques2. Références bibliographiques importantes
3. Analyses descriptives
3.1. Analyses syntaxiques3.1.1. Les hypothèses de la grammaire générative
3.1.2. L’hypothèse V2
3.1.3. La dépendance
3.2. Analyses sémantiques3.2.1. La notion de non-assertion
3.3. Analyses diachroniques : archaïsmes et innovations4. Les données
4.1. Critères de reconnaissance.4.1.1. Inversion complexe ou dislocation ?
4.1.2. Ambiguïtés
4.2. Variations4.2.1. Les variantes
- est-ce que + sujet-verbe (est-ce que tu joues bien ?)
- peut-être il viendra
- peut-être qu’il viendra
- peut-être est-ce qu’il viendra
il dit il me semble
qu’il dit qu’il me semble
4.2.2. Registre de langue et médium4.2.3. Interrogatives en -ti(l)
4.2.4. Variations diatopiques
4.3. Données statistiques4.3.1. En contexte interrogatif
Corpus
Proportion d'inv-scl
Nb total de questions
Pohl (1965) - correspondance privée
98%
84
Le Querler (1994) - presse
82%
168
Corpus
Proportion d'inv-scl
Nb total de questions
Behnstedt (1973) - radio
20
12069
Behnstedt (1973) - conversations familières
0,6%
521
Coveney (2002) - entretiens
-
180
Elsig (2009) - entretiens frçs québécois
32%
632
4.3.2. Après adverbe initial
Adv. initial
Nombre total
Nombre d'inv-scl
peut-être
450
347 (77%)
sans doute
282
238 (84%)
aussi
255
166 (65%)
au moins + du moins
133
78 (58%)
à peine
103
86 (83%)
Adv. initial
Nombre total
Nombre d'inv-scl
peut-être
144
119 (82%)
sans doute
128
115 (90%)
aussi
145
101 (69%)
au moins + du moins
274
122 (45%)
à peine
88
85 (97%)
tout au plus
135
119 (88%)
en vain
75
40 (53%)
à coup sûr
103
4 (4%)
assurément
175
5 (3%)
apparemment
114
1 (1%)
4.3.3. Collocations lexicales
4.4. Évaluation des données 4.4.2. Données rares et inaperçues
5. Bilan
(ii) participer au marquage du statut d’enchâssement
(iii) jouer le rôle d’un substitut de que6. Annexes
6.1. Liste des abréviations utilisées :
f Frantext
inv-scl Inversion du sujet clitique
SN Syntagme nominal
SV Syntagme verbal
V Verbe
6.2. Ouvrages cités